Martine Doytier, « À la Plage (maigre) », 1982, huile sur panneau Isorel, 24 x 19 cm.
Collection Geo et Jean Bouhanna, Nice. MD43.
Deux femmes en maillot de bain, allongées au soleil sur un matelas à rayures bleues et blanches en sont les sujets. La première est extrêmement maigre et la deuxième extrêmement grasse. Et toutes deux sont effrayantes. Martine Doytier les a peintes comme auraient pu le faire Otto Dix ou George Grosz, deux grands maîtres de la Nouvelle Objectivité Allemande de l’entre-deux-guerres. Leurs œuvres portaient tout le poids de la terrible crise qui submergeait l’Allemagne dans les années vingt, mais, à présent, que peut-il se passer sur la plage de Nice qui suscite l’effroi lisible sur le visage de la femme maigre ? Peut-être est-elle terrifiée par sa propre maigreur et par son corps difforme et squelettique. Quant à la femme grasse aux bajoues qui reposent sur son torse adipeux, son regard sombre ne respire ni la joie ni la bonne humeur.
Quelques notes d’humour accompagnent toutefois nos deux dames. La plus maigre lit le Guide gastronomique Gault et Millau et ses lunettes en forme de cœur laissent imaginer l’aspect de ce personnage lorsqu’elle les porte. Sa grosse chienne grise à la peau plissée lui sert de repose-pied et complète le portait de cette créature qui fait frémir.
Quant à la dame grasse, son repas de saucisses et de saucisson à l’ail accompagné d’un pan-bagnat et d’une bouteille de vin rouge voisine avec la revue Elle qui promet de maigrir en trois jours et raconte l’amour au soleil. Le pot de graisse à traire, produit très à la mode à cette époque pour bronzer rapidement, est un clin d’œil à la corpulence bovine du personnage.
Martine s’amuse. Elle se moque du monde qu’elle voit sur la plage de Nice où les corps manquent souvent de pudeur et où l’on peut tout dévoiler pour se sentir en lien avec la nature et le soleil. Il est aisé de comprendre que ce n’est pas là un loisir qu’affectionne Martine.