En 1980, pour se documenter afin de peindre le tableau Carnaval, Martine Doytier avait étudié attentivement l’histoire de cette grande fête traditionnelle niçoise. Le sujet, alors, n’avait presque plus de secrets pour elle. Le dessin Danseur de Carnaval apporte la preuve que sa connaissance de cet univers lui permettait d’illustrer ce thème avec précision et justesse.

Le danseur ici représenté est également musicien. L’instrument qu’il brandit dans sa main droite est un luth à six cordes tel qu’on le trouvait dans les fêtes données dans les Cours de la Renaissance. Il est de belle facture comme le montrent les élégantes décorations de sa table d’harmonie. Le vêtement du personnage est également caractéristique du XVe siècle. Le pourpoint court est un assemblage de brocarts aux motifs variés, fleuris et géométriques, la ceinture porte une jolie boucle ornée et les chausses épousent, comme il se doit, les formes des jambes pour révéler parfaitement les mouvements de la danse. Aux pieds du danseur, les élégantes poulaines à motifs sont caractéristiques de la mode française du XVe siècle. Quant au couvre-chef, c’est un chapeau à bec traditionnel du Moyen-Âge tel qu’aurait pu le porter Robin des Bois et qui fait écho aux doigts effilés du danseur et aux pointes ondulantes de ses chaussures.

Tout, dans le dessin de Martine, est cohérent avec l’époque où elle situe la scène. Nous sommes peut-être à Venise ou à Rome, dans ces grandes fêtes urbaines de défoulement que les Églises de la Réforme, au XVIe siècle, essaieront d’interdire, sans y parvenir réellement.

Le Danseur de Carnaval, dessiné en mai 1983, est une nouvelle preuve que Martine maîtrise à présent parfaitement le dessin au crayon noir, le déséquilibre nécessaire à une mise en page dynamique, les petites plaisanteries graphiques — comme le montre le bouquet d’herbes qui accompagne la signature — ou la perspective du carrelage qui donne profondeur et légèreté à la scène.

Le dessin de Martine est maintenant aussi puissant et expressif que sa peinture. Le savoir-faire atteint à la virtuosité et chaque œuvre qu’elle réalise est une nouvelle preuve qu’une grande artiste est née.