LES DESSINS INSPIRÉS D’ALAIN AMIEL
Dessins de carnaval, mars 2021
par Marc Sanchez
Alain Amiel écrit, analyse, critique, commente, raconte, interviewe et bien plus. Il réalise des films et il édite des livres, il écrit des pièces de théâtre et des paroles de chansons, il connait l’art et fréquente les artistes, il aime l’Antiquité classique et se passionne pour l’art d’aujourd’hui et pour celui d’hier, il est né au Maroc et il aime le thé à la menthe. Il est spécialiste de Van Gogh mais aussi de beaucoup d’autres et si Vincent est son sujet de prédilection, Marcel (Duchamp), Jacques (Lacan), Jean (Mas), Sigmund (Freud), Amedeo (Modigliani), Francis (Bacon) et à présent Martine (Doytier) ou Frédérique (Nalbandian) le sont tout autant.
Vous l’avez compris : Alain Amiel est un personnage à multiples facettes. Et l’une d’elles est son goût pour la pratique du dessin. Car il dessine aussi… En noir et blanc, ou plutôt en noir car c’est armé d’un seul feutre noir qu’il attaque la feuille blanche. Chaque soir – ou presque – à heure fixe, il dessine pour synthétiser en poésie la journée riche d’images qu’il vient de traverser en travaillant sur tous les autres sujets. C’est lors de ce moment de relâchement qu’il laisse le noir recouvrir sa feuille pour n’en réserver que quelques souples formes blanches, étoiles, spirales, silhouettes, qui telles des flammes au vent dansent dans l’obscurité. Rituel plastique ou voyage par l’image, cette cérémonie du dessin propose des rencontres qui bien souvent n’ont pas eu lieu mais qu’il plait au dessinateur de faire advenir, toujours pour notre plus grand plaisir.
La série présentée ici est née pendant le travail sur le film « Le Carnaval de Martine Doytier », en février et mars 2021. Les dessins sont nourris des images présentes dans le film, des fêtes qu’il raconte et des personnages que l’on y rencontre. La musique, la danse, le mouvement des corps, le travestissement et l’histoire populaire, la farandole joyeuse au son du charivari, l’animal de la nuit et l’oiseau du soleil, les châteaux de papier et les lieux disparus, tous sont parsemés des étoiles de Vincent et traversés par les tourbillons de ses ciels mouvementés. Van Gogh lui-même s’y promène, tableau sous le bras sur la route de Tarascon, pour y croiser une Reine de carnaval, peinte par Gustav-Adolf Mossa.
Il faut entrer dans beaucoup de petites et grandes histoires pour décrypter chacune des images d’Alain Amiel mais le mystère ne nuit pas au plaisir du voyage. En parcourant quelques ouvrages ou en posant les bonnes questions, on pourra alors plonger dans l’histoire du grand char des ratapignata qui fit scandale en 1875, retrouver le nom de ce pantin de paille que l’on projette dans les airs, ou découvrir Madame Carnaval habillée en paysanne de Gairaut et accompagnée de ses vingt-quatre enfants. On pourra aussi donner un nom au petit enfant grimpeur que l’on retrouvera dans l’ultime tableau de Martine Doytier et que l’on dit être son fils, on reconnaîtra Orabelle, le grand dogue allemand noir tenu fermement par l’artiste dans les jardins de la Villa Masséna et on verra Martine signer son unique gravure dans l’atelier du Vieux-Nice. Des pans entiers de l’histoire niçoise sont également représentés, du grand Établissement Littéraire Visconti du Cours Saleya qui faisait l’orgueil de la ville jusqu’à son canon de midi, ses cougourdons musicaux et son petadou qui fait sonner le pet divin pour le petit peuple.
Cette première exposition accueillie par La Galerie, l’espace d’exposition du site internet de Martine Doytier, propose de parcourir ces douze dessins inspirés des histoires qui se télescopent joyeusement et librement sous le feutre noir d’Alain Amiel. Martine n’est plus là pour les voir, mais je suis certain qu’elle les aurait aimés.
Marc Sanchez
mars 2021