Le Passant
1972

Martine Doytier, « Le Passant », 1972, huile sur toile, 73 x 92 cm.
Collection Frank Horvat. Inv. MD02

Ce tableau de Martine Doytier s’avère tout particulièrement difficile à décrypter. En effet, aucun élément d’archives ou souvenir de l’époque ne permet de l’expliquer. Pour commenter cette œuvre, on doit donc donner libre cours à son imagination et inventer de toutes pièces une histoire plausible. Et bien, la voici.

Il était donc une fois, à Nice, au début des années soixante-dix, un personnage pittoresque aux allures de vagabond inspiré qui répondait au nom de Max. Il arpentait chaque jour les rues du quartier du Port, poussant devant lui un vieux landau des années quarante. Bien habillé et couvert chaudement, il était pourtant chaussé de vieux godillots qui laissaient voir son gros orteil. Sa grande passion était de collecter des objets hétéroclites qu’il entreposait dans les profondeurs de son landau. Landau qui servait aussi de refuge à son petit compagnon à quatre pattes, mais dans lequel il avait parfois du mal à trouver une place.

Comme Max aimait montrer ce qui faisait sa fierté, il avait fabriqué un présentoir pour y suspendre ses trouvailles préférées. Le choix, aujourd’hui, s’était porté sur une cuillère à soupe, une fourchette en métal et un petit bol en céramique. Le fleuron de cette installation était une Croix de Chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur, modèle Troisième République, offerte par son ami antiquaire du Village Ségurane.  Comme toujours et en bon patriote, il portait fièrement sur sa poitrine sa cocarde tricolore à ruban.

Mais, depuis quelques jours, plus personne n’avait croisé Max. Qu’était-il devenu ? Avait-il changé de ville ? Cela était peu probable, le quartier du Port était son fief et il ne le quittait jamais. Serait-il malade ? Dans ce cas, il devrait avoir besoin d’aide, mais personne ne savait où il habitait. Tout le quartier se mit donc à la chasse aux informations. Et la mauvaise nouvelle arriva vite : Max était décédé. Un matin, il ne s’était pas réveillé, laissant tous ses trésors en héritage à ses nombreux amis…

C’est ainsi que Martine décida de faire son portrait. Elle le peignit tel qu’il avait toujours été : fier de ses merveilles suspendues, avec son regard profond et débonnaire. C’est en Clochard Céleste qu’elle le représente, flottant dans les nuages et posant son regard protecteur sur ce monde qu’il connaissait bien. Lui qui aimait que les petits enfants le suivent dans les rues, il reçoit la visite de Brice, le fils de Martine, alors âgé de trois ans, pilotant sa trottinette volante et jouant de sa trompette imaginaire.

Et c’est ainsi que Max est devenu Le Passant.

Bien sûr, tout est inventé dans cette histoire. Ce n’est pas la coutume pour une notice d’œuvre, mais les tableaux sont aussi des supports pour l’imaginaire. Et surtout, si vous avez connu Max et que vous savez quelle est son histoire véritable, n’hésitez pas à nous la raconter !