M. Martin
1976

Martine Doytier, « M. Martin », 1975-1976, bois de mélèze peint à l’huile, moteur,
ampoule électrique, automate et objets divers, dimensions variables.
Collection Donation Jean Ferrero – Ville de Nice. MD22.
État de l’œuvre après la restauration effectuée par Maria Letizia Profiri en 2023.

C’est en novembre 1975 que Martine Doytier décide de s’attaquer à la réalisation d’une sculpture animée de grand format. Elle, qui depuis 1971 n’avait réalisé que des tableaux peints à l’huile, ressent à présent le besoin de s’exprimer en volume.

En octobre, elle quitte son minuscule studio de la rue de l’Abbaye pour s’installer, quelques centaines de mètres plus loin, dans un appartement situé au 3 rue de la Poissonnerie, toujours dans le Vieux-Nice. Cela change beaucoup de choses, car, non seulement elle peut maintenant accueillir son fils, mais elle dispose d’un espace atelier dans lequel elle peut travailler avec plus d’ampleur.

À sa demande, son ami Jean Ferrero lui procure un tronc de mélèze d’un mètre de diamètre et d’un mètre cinquante de hauteur puis elle achète tout le matériel nécessaire à la sculpture du bois : gouges, ciseaux, maillets, râpes et rifloirs. Quelques semaines plus tard, son bloc de mélèze a déjà un regard, puis un visage, des épaules, un torse. Soudain, un personnage des peintures de Martine apparaît en trois dimensions et occupe l’espace : il s’appelle M. Martin.

Sculpté dans le bois, il est mis en couleurs comme un tableau. Les couches de préparation à base de Gesso et les couleurs à l’huile font oublier la matière du bois créant une surface lisse et colorée en glacis qui renforce l’impression que M. Martin s’est échappé d’une peinture en prenant vie.

Double masculin de Martine, M. Martin s’affronte en silence au monde réel. Mais s’il est privé de bouche, comme l’ouvrier du Face à face de 1972 dont il s’inspire, il ne sera pas privé de mouvement. Derrière lui, toute une mécanique faite de rouages et de courroies s’anime et s’éclaire. On y trouve même un double du double : un petit automate qui lutte contre le temps en frappant de ses marteaux métalliques des mécanismes de montres.

Martin était la pièce centrale de l’exposition que Martine présenta à la galerie l’art marginal au début de l’année 1977. Dans l’espace peint en vert sombre, il était entouré de ferrailles et d’objets de rebut. Impossible à approcher, muet, au regard noir et aux mains fermées, M. Martin est bien seul dans sa lutte contre le temps rythmée par les chocs des marteaux qui, bien sûr, ressemblent étrangement au tic-tac d’une horloge.