Bonjour à toutes et à tous,
Aujourd’hui, mardi 10 novembre 2020, Martine Doytier aurait fêté son soixante-treizième anniversaire. Il y a bien longtemps, depuis ce sombre 16 février 1984, que Martine nous a quitté.es. Mais, à présent, grâce à vous, nous sommes un peu plus à penser à elle en ce jour.
Alors, peut-être est-ce le moment de se poser certaines questions. Par exemple : que serait devenue sa peinture si Martine n’avait décidé de tout arrêter, il y a trente-six années ? Vers quels territoires l’aurait-elle entrainée pour qu’elle soit à même de répondre à son si puissant désir d’absolu? Et combien de toiles composeraient maintenant cet Autoportrait qu’elle a laissé inachevé, sous la forme d’un triptyque, en 1984 ?
Cette œuvre, selon sa volonté, ne pouvait connaître de fin car elle représentait la réponse de Martine aux contraintes imposées par le sujet, par les limites du tableau ou par le passage obligé d’une œuvre à l’autre pour qui voulait construire un parcours d’artiste cohérent et reconnu.
Pour Martine, la peinture devait être in-finie et cet Autoportrait, entrepris en 1979, était là pour le prouver. Car cette œuvre aurait dû l’accompagner tout au long de sa vie, être en constante progression et jamais conclue. Comme un infinissable travail en cours, un carnet de notes de son quotidien, un journal de ses humeurs, de ses rencontres, de ses liens au monde, de sa passion pour certains des objets qui le composent et pour les êtres qui l’inspirent. Cela ne pouvait s’arrêter et seule la disparition de Martine avait le pouvoir d’interrompre le processus.
Malheureusement, celle-ci est intervenue trop tôt pour que Martine ait pu donner à son œuvre toute la dimension qu’elle aurait voulue, même si l’immense travail réalisé, pendant cinq années entre 1979 et 1984, montre l’ambition de la tâche.
Quelle taille aurait atteint à présent ce leporello peint de quelque 2,40 mètres de hauteur ? Démesurée, certainement et, pour cette raison, il aurait été difficilement accueilli par les musées ou par les lieux d’expositions que nous connaissons. Martine aurait alors certainement inventé un espace tout spécialement adapté à lui, une sorte d’atelier-musée pour l’œuvre infinie de toute une vie, un lieu de travail et de rencontres, un lieu ouvert aux autres mais tout entier consacré à son œuvre.
Pour son anniversaire, je vous propose donc d’offrir un cadeau à Martine en imaginant les réponses à quelques questions. Que serait l’Autoportrait aujourd’hui et à quoi ressemblerait le lieu qui l’accueillerait ? Quelle place dans l’histoire de l’art serait celle de Martine à présent, cette artiste à l’œuvre si dense et si fournie ? Et quels sujets, en 2020, aurait-elle eu le souhait d’aborder dans son travail et dans son dialogue avec son public ?
J’en suis certain, vos réponses l’auraient beaucoup intéressée et elle aurait aimé vous sentir si proches d’elle.
Bon anniversaire Martine.
Marc Sanchez
10 novembre 2020
Note : « Leporello » est le nom donné aux livres dont les pages sont jointes les unes aux autres afin de se déployer sous la forme d’une longue frise. Le nom fait référence à Leporello, le valet de Don Juan qui présenta à Donna Elvira la longue liste des conquêtes de son maître écrites sur un document plié de cette façon dans le premier acte de l’opéra « Don Giovanni » de Mozart.