Paradis terrestre
1971

Martine Doytier, « Paradis terrestre », 1971, huile sur toile, 46 x 55 cm.
Collection Marc Sanchez, Paris. Inv. MD08

Paradis terrestre est le premier tableau peint par Martine Doytier.

Nous sommes au début de l’année 1971 et elle vient d’avoir 23 ans. Bien qu’ayant suivi un cours d’art à Paris pendant sa jeunesse, elle a tout à apprendre dans ce domaine et ses premiers essais sont très traditionnels et peu convaincants. L’œuvre du Douanier Rousseau lui fournit l’inspiration pour son premier sujet. Martine connaissait ses Jungles et ses Forêts exotiques et c’est dans leur végétation luxuriante qu’elle puise le thème de son tableau (1).

Aucune perspective n’organise l’espace du tableau. Tout est traité à plat et les différents niveaux de feuillage sont peints les uns par-dessus les autres, jusqu’à saturation. Un escargot géant entouré de nombreuses coquilles vides, un scarabée noyé dans les herbes et un papillon qui vole dans les airs constituent la faune de cette jungle fleurie. Centrés dans l’espace du tableau, Adam et Ève se tiennent bien droits. Ève a les yeux baissés et rougit du geste d’Adam qui lui couvre un sein de sa main droite. Il a le regard coquin et tient fermement un long bâton dans sa main gauche. Peut-être ce Paradis est-il moins sûr qu’il n’en a l’air ?

Dans cette première œuvre, Martine campe deux personnages de face. Ils sont peints rapidement, car c’est la végétation qui l’intéresse le plus. Plus tard, dans un entretien, elle dira qu’il lui importait peu que l’on dise qu’elle copiait le Douanier Rousseau. Elle en avait tout à fait conscience et ce qu’elle souhaitait c’était prendre du plaisir à peindre, ressentir la liberté de faire vibrer les formes et les couleurs et, pour un premier tableau, elle y réussit plutôt bien !

Au recto, en bas à droite, la peinture est signée : « 1971 M DOYTIER » ; elle est également signée une deuxième fois au feutre au verso avec la mention : « 1re toile, oct. 1971 », indiquant ainsi la date de cette seconde signature et de l’annotation qui l’accompagne. Ce n’est pas, en effet, la date de réalisation de l’œuvre, car celle-ci a été peinte en janvier et février 1971.

Martine a toujours voulu conserver ce tableau et n’a jamais accepté de le vendre. Elle l’a montré dans sa première exposition, en décembre 1971, où toutes les œuvres furent vendues, sauf celle-ci. Comme un talisman, ce Paradis terrestre a toujours été à ses côtés.

Note :
1 : À propos de la copie des maîtres, Maurice Ravel a écrit : « Il faut toujours copier. C’est dans notre infidélité à la copie que paraîtra notre originalité. »