Eloy Horticulteur
1971

Martine Doytier, « Eloy Horticulteur », 1971, huile sur toile, 100 x 81 cm.
Collection privée, Rescaldina (Italie). Inv. MD13.

Ce tableau appartient à une série dans laquelle Martine Doytier raconte une histoire inventée qui, bien qu’elle mette en scène des personnages existants, les entraîne dans une fiction qui est le sujet de l’oeuvre.

« F. ELOY HORTICULTEUR » indique l’enseigne suspendue à l’entrée d’une entreprise de jardinage. Pour celles et ceux qui connaissent les amis de Martine de l’époque, ce nom renvoie à Frédéric Eloy-Altmann. Frédéric est le personnage de gauche à petite moustache recourbée et son frère Jean-Sébastien, celui de droite. Tous deux avaient déjà été représentés dans le tableau La Famille Altmann.

Ni l’un ni l’autre n’étant horticulteur, il s’agit d’un jeu de rôles ou d’une plaisanterie dont le sens nous échappe. Jean-Sébastien en propose toutefois une lecture intéressante. À cette époque, et depuis le début de l’année 1971, Martine inaugurait une nouvelle manière de peindre qui allait la conduire, une année plus tard, à réaliser une exposition personnelle organisée par Frédéric Eloy-Altmann, qui sera son marchand jusqu’en 1977. Frédéric a aidé Martine à trouver sa voie en peinture. C’est lui qui l’a guidée vers ce type d’expression quand, jeune artiste en herbe de 23 ans, elle voulait commencer à peindre lui conseillant de s’inspirer de l’art naïf dont il était familier.

Dans ce tableau, Martine se représente à genoux, prenant soin d’une fleur en pot. Une supposition peut être faite : le mot « horticulteur » pourrait être une métaphore pour le métier que commençait à exercer Altmann en s’occupant des artistes, en les aidant à se faire connaître, à « pousser » et à grandir artistiquement. Cette œuvre prendrait alors la forme d’un hommage à quelqu’un qui va compter pour elle dans les années à venir : Frédéric Altmann, celui qui aurait aidé à faire éclore la fleur-artiste Martine Doytier !

L’autre personnage et le petit chien du premier plan sont facilement identifiables. À côté de Martine elle-même, vêtue d’un chemisier à carreaux rouges et blancs (on retrouve ce motif du damier qui lui est cher) se trouve son jeune fils Brice, âgé à l’époque d’un peu moins de deux ans et son petit chien Mec-Mec qui lève la patte. Quant au petit lutin vêtu de rouge et vert qui se tient debout sur un pilier, son air bienveillant indique qu’il s’agit peut-être d’un esprit des jardins qui veille sur les cultures.

Martine a un râteau à la main et Brice une pelle. Ils viennent de mettre en pot deux jolis pieds de fleurs colorées. Les fleurs sont peintes avec soin et la précision apportée au traitement de chacun des éléments composant ce tableau est ce qui caractérise cette œuvre et l’éloigne des premières peintures réalisées au début de l’année 1971.

Tout ici montre la recherche de précision dans le dessin et les couleurs : visages expressifs et finement dessinés, écritures cursives aux lettres adroitement formées, feuillages à plusieurs tons agités par le vent, ciel lourd dans les transparences d’un brouillard descendant, lumière qui modèle les troncs et les branches des arbres, museau du petit chien dessiné et colorié finement. Même la perspective, qu’elle commence à utiliser, est juste et bien équilibrée.

Nul doute ne subsiste, Martine progresse à grands pas. Les grands formats commencent à l’attirer et Eloy Horticulteur mesure un mètre de haut, son plus grand tableau à l’époque.