L'Autobus déchiré
1983

Martine Doytier, « L’Autobus déchiré », 1983, autobus Renault SC10 peint, huile sur métal, 296 x 1100 x 250 cm.
Collection Ville de Nice, en dépôt à l’Écomusée du Haut-Pays et des Transports, Breil-sur-Roya. MD32.

Le projet de Martine Doytier, célébrant le 150e anniversaire des Transports en commun de Nice, a été sélectionné par le Jury qui s’est réuni pour l’occasion en juillet 1982 et auquel participaient plusieurs artistes. Elle peut donc se mettre au travail et, peu après, lui est confié un autobus Renault SC10, modèle classique du milieu des années 70, préalablement repeint en blanc.

Martine aborde la peinture de cet autobus comme elle le fait pour ses tableaux : même technique, mêmes matériaux, même façon de peindre. En novembre 1982, elle s’installe dans les ateliers techniques des TN (Transports Niçois) qui se trouvent à Drap, petite ville située à l’entrée de la vallée du Paillon.

Pendant trois semaines, c’est le pinceau à la main qu’elle fera le tour de ce véhicule qui lui paraît soudain gigantesque et démesuré. C’est, en effet, à une peinture de vingt-sept mètres de longueur, l’équivalent du périmètre du véhicule, qu’elle s’affronte au quotidien pour y représenter une déchirure emplie de rouages, de tuyauteries et d’appareils de tous types. Dans ce projet, elle retrouve l’esprit de plusieurs de ses tableaux précédents tels que Face à Face de 1972 ou À l’Usine, de 1976.

Dans le ventre de l’autobus, les poulies colorées entraînent de larges courroies de cuir, des fils électriques multicolores surgissent de boitiers métalliques éventrés, manomètres, tuyauteries, tubulures, poignées, manettes et leviers s’entremêlent et se superposent. C’est une remontée dans le temps qui nous est proposée et la déchirure dévoile une complexité mécanique d’une autre époque. Souvent, dans sa peinture, Martine a aimé rappeler ce passé où les individus s’affrontaient avec bravoure aux machines et où celles-ci étaient symbole de progrès et d’avenir.

Martine parle pourtant de ce travail comme d’une épreuve, car c’est sous le regard des techniciens du dépôt des autobus qu’elle travaille, qu’elle répond à leurs questions et qu’elle entend leurs commentaires souvent moqueurs. Il faut dire que c’est surtout de la surprise qu’ils expriment car, dans cet univers essentiellement masculin et technique, ils sont amusés par ce qui est en train de prendre forme sous leurs yeux. Puis, peu à peu, la technique et l’opiniâtreté de Martine forçant leur respect, elle devient le centre d’intérêt de cet atelier et, à l’issue du travail, elle avait l’impression d’être entourée d’un groupe d’amis admiratifs !

L’Autobus déchiré est inauguré officiellement le 5 février 1983. Il est immédiatement affecté à la ligne 3 sur laquelle il voyagera quotidiennement jusqu’à sa réforme en 1997. La Ville de Nice décide alors de le conserver en l’état et aménage son intérieur pour en faire un « Expo Bus » pouvant accueillir de petites expositions itinérantes et recevoir les enfants des écoles pour des animations culturelles.

Beaucoup de niçois et niçoises ont ainsi croisé la route de L’Autobus déchiré et, sur la ligne 3 ou dans les classes, sa rencontre était toujours un petit événement.

Depuis septembre 2000, il est confié à l’Association des Tramophiles de la Côte d’Azur qui a la charge de sa bonne conservation et il se trouve en dépôt à l’Écomusée du Haut-Pays et des Transports de Breil-sur-Roya. Il y est conservé en parfait état, visible par le public du musée.

Son déplacement étant complexe et coûteux, il n’a pas été possible de le montrer à Nice à l’occasion de l’exposition Martine Doytier. Peut-être, un jour, pourra-t-il être déplacé et retrouver son public…

1 : Un autre autobus avait été confié à l’artiste Alexandre Chelkoff (1927-2003) et deux autres à des classes d’enfants d’écoles de Nice. Ils n’ont pas été conservés.