Sexe shop
1972

Martine Doytier, « Sexe shop », 1972, huile sur toile, 81 x 100 cm.
Collection Jean Ferrero, Nice. Inv. MD16

Sexe Shop est le seul tableau non terminé de l’année 1972. La raison de l’interruption du travail est inconnue, mais peut-être Martine Doytier a-t-elle jugé que l’œuvre était trop tendancieuse ou trop ironique pour être achevée.

La scène se déroule sur la place d’un village, comme l’indiquent les arbres bien taillés, le banc public et les personnages esquissés du premier plan. La présence d’une boucherie et d’une mercerie semble le confirmer. Dans ce cas, l’imposante présence d’un sex-shop à la large vitrine ouverte semble un peu incongrue et manque de la discrétion qui caractérise habituellement ce type de commerce.

Bien au contraire, sa vitrine montre largement ce qui est proposé à l’intérieur. L’avenante patronne du lieu, généreusement maquillée et dans une tenue digne d’un spectacle de cabaret, présente fièrement un amoncellement de poupées gonflables en plastique rose aux formes rebondies. Si l’on compare avec les photographies de Martine de la même époque, aucun doute ne subsiste : c’est elle qui s’est représentée en patronne du lieu.

Le texte de la vitrine est une véritable invite au passage à l’acte : « N’ayez plus honte en sortant votre femme ! Muette, discrète, préférez-lui la poupée gonflable ». Est-ce ce texte sexiste et peu aimable pour les femmes qui lui a fait interrompre le travail ? Il faut dire qu’une telle phrase ne ressemble pas à Martine qui n’aurait pas aimé que l’on tienne de tels propos en sa présence.

Quant au personnage du premier plan, son visage pourrait également être celui d’une Martine devenue sage. Poussant d’une main un landau contenant deux bébés, elle tient dans son autre main un livre sur la contraception qu’elle lit en se promenant. Cet humour grinçant illustre-t-il ce que pense Martine de son statut de jeune maman d’un enfant de trois ans ? Cela est possible et, dans ce cas, cette œuvre dévoilerait trop d’elle-même pour être rendue publique.

Voici deux raisons qui, cumulées, lui auraient fait perdre le désir de poursuivre le travail. Mais elle a choisi de conserver l’œuvre en l’état et l’a offerte au critique d’art du journal Nice-Matin, Charles Jourdanet, qui écrira sur elle en 1976 et 1977. Puis, le caustique collectionneur Jean Ferrero, n’a pas manqué de s’en porter acquéreur.